Affaissements versus Mobilité : un tutorat Par Jacques VA2JOT
Phénomène de Réception de Multiples Faisceaux
Les premières expériences en communications mobiles eurent lieu dans les années
20 dans le bas du spectre VHF (40Mhz). Les résultats ont révélés un environnement
extrêmement hostile a la propagation, tout particulièrement en régions urbaines.
La qualité des signaux reçus variant d'excellent à nul en déplaçant le véhicule
de seulement quelque mètres. Le signal présent au récepteur comportait non-seulement
un faisceau direct, il comprenait aussi plusieurs autres faisceaux réfléchis. On
venait de découvrir le phénomène des multiples faisceaux (multipath).
Multiples faisceaux dans un environnement urbain
Remarque: Les modèles de propagation utilisés présentement pour la validation
de design de téléphones GSM contiennent 6, 12 et 24 faisceaux et couvrent des
vitesses allant jusqu'à 500Kmh.
Ses Effets
Véhicule rapide: Fluctuation constante de l'amplitude et la phase du signal.
Véhicule fixe: Bon signal a certains endroits, peu ou pas de signal ailleurs.
Télé analogique: Images fantômes (décalées sur la droite).
Ses Causes
Les objets tels que le sol, les immeubles, les panneaux de signalisation et les feux de
circulation, les autos et fourgons, les aéronefs ainsi que la topographie (montagnes,
collines, rochers etc.) ; toutes celles-ci absorbent et réfléchissent une certaine
proportion des ondes radio qu'on a surnommé réflecteurs dans le langage de modélisation
de la propagation.
Étalement Temporel
Les ondes réfléchies parcourent des chemins différents avant d'arriver au récepteur.
L'onde ayant parcouru la plus grande distance arrivera en retard par rapport a la
directe. La différence de temps d'arrivée au récepteur entre ces deux ondes est
l'étalement temporel. Ce phénomène commence à causer de sérieux ennuis en transmission
numérique lorsqu'il s'approche de la durée d'un symbole de modulation. Un tel symbole
peut être perdu ou dupliqué lorsque le récepteur permute entre les divers faisceaux
d'ondes.
Densité du Signal Reçu
Les faisceaux réfléchis n'arrivent pas en phase a l'antenne. Ceux dont la phase est
similaire vont s'additionner. Ceux dont la phase s'approche de 180º auront tendance
à se canceller ou produire leur différence. Une détérioration de la densité du signal
reçu se produit lorsque ces derniers arrivent de différentes directions. Le déplacement
de l'antenne à travers ce champs va affecter l'amplitude de la résultante de ces
différents faisceaux.
Ci-bas une représentation de la densité du signal reçu par un véhicule traversant un
champs de faisceaux arrivant de différentes directions comme le véhicule plus haut:
Bien que le signal moyen (RMS) soit d'environ 25dB au dessus du seuil de détection du
discriminateur, un affaissement fait passer la densité du signal à plus de 10dB en
dessous du seuil de détection provoquant ainsi, une corruption des données reçues.
Affaissement de Rayleigh
Dans tout environnement à multiples faisceaux, il va y avoir des endroits ou les faisceaux
sont en phase causant une augmentation de la densité du signal (interférence constructive)
et d'autres ou les faisceaux sont de phase opposée causant une atténuation voire même
canceller le signal (interférence destructive). L'affaissement de Rayleigh est le résultat
du déplacement de l'antenne dans un environnement ou plusieurs faisceaux réfléchis
proviennent de différentes directions à cause des réflexions subies par le faisceaux
principal. À cause de l'effet destructif, la valeur instantanée de l'amplitude du
signal reçu à l'antenne devient une variable quasi aléatoire dont l'amplitude obéit
aux règles de distribution statistique de Rayleigh*.
*Grosso-modo, les règles de distribution de Raleigh établissent à 0,1% la probabilité
d'un affaissement de 30dB, à 1% la probabilité d'un affaissement de 20dB et a 10%
la probabilité d'un affaissement de 10dB.
Modèle de Rice
Si l'ensemble des faisceaux réfléchis est dominé par un seul faisceau puissant (direct),
le modèle d'affaissement de Rice est plus approprié.
Remarque: En milieu urbain très dense, il est fréquent que le modèle de propagation
permute constamment entre celui de Rayleigh et de Rice. Ce phénomène a donné lieu à
la création du terme " canyon urbain " par les spécialistes de la propagation à
cause des problèmes qu'il cause aux systèmes de mobilité ainsi qu'à la localisation
par GPS. Certains récepteurs GPS sont d'ailleurs spécialement conçus pour continuer
à fonctionner normalement dans un canyon urbain avec un seul satellite de visible.
Espacement entre les Affaissements
Il n'existe pas de distance empirique entre les noeuds d'affaissement car ils sont
déterminés par l'angle d'intersection des faisceaux. Cependant, plus la fréquence
est haute, plus il y aura d'affaissements sur une distance donnée. Pour des
faisceaux face-à-face, à 150MHz, les nœuds seront à chaque longueur d'onde ou
aux deux mètres. À 450MHz, les nœuds sont à chaque 66cm. À une vitesse donnée
et à mesure que la fréquence augmente, le taux d'affaissement augmente mais la
durée de ces affaissements diminue proportionnellement.
Correction d'Erreurs sans Voie de Retour (forward error correction ou FEC)
Plusieurs méthodes d'encodage de l'information permettent de récupérer les
données corrompues par le bruit ou les affaissements sans pour autant avoir
recours à la retransmission. L'inconvénient de cette solution est qu'il ajoute
jusqu'à 50% et même davantage de bits de redondance par paquet. Afin de ne pas
ralentir le débit tel que perçu par l'usager (débit réel), la vitesse de
transmission doit donc être doublée. Cette augmentation du taux de modulation
a l'effet pervers d'abaisser le seuil de détection d'environ 4,5dB
(empirique= 3dB, pratique= ~4,5dB). Ainsi, en augmentant la vitesse, on diminue
le seuil de détection ce qui augmente la largeur et la profondeur des
affaissements sous le seuil de détection du récepteur ce qui en retour, requiert
de plus en plus de redondance d'encodage. Il en résulte une spirale ou l'on
atteint très rapidement la limite pratique de débit d'une liaison mobile.
L'inconvénient majeur de la correction d'erreurs sans voie de retour est qu'il
s'attaque aux symptômes de l'affaissement et non sa cause.
La Diversité
Historique
La diversité a été employée pour la première fois dans les années 20 afin de
combattre l'affaissement sélectif sur les liaisons téléphoniques HF d'outre-mer.
Deux sites de réception éloignés l'un de l'autre d'une centaine de kilomètres
(ex : Yamachiche et Drummondville par la Canadian Overseas Telecommunications
Corporation) acheminaient la ligne de réception de chaque voie par liens
dédiés vers un point de commutation. On utilisait même la double diversité
(physique et en fréquence) afin d'augmenter la fiabilité des liaisons.
L'avènement des faisceaux de micro-ondes dans les années 50 a aussi fait
appel à la diversité afin de combattre les affaissements.
L'avantage de la diversité est qu'il s'attaque directement aux causes de
l' affaissement.
Types de Diversité
Il existe différents types de diversité dont certains sont mieux adaptés
à l'environnement de la mobilité.
Physique
Polarisation
Fréquence
Diversité Physique
Basée sur la probabilité que deux ou plusieurs antennes ne peuvent subir un
affaissement de faisceaux au même instant, un mécanisme de commutations ou
de combinaison est ensuite utilisé. Sur les liaisons fixes, les inversions
de température, la vapeur d'eau, la neige, la pluie et les objets volant à
faible altitude son les facteurs les plus courants d'affaissement. Les
obstacles, les réflecteurs fixes ou mobiles sont les facteurs les plus
courants d'affaissement sur les systèmes mobiles. La diversité physique est
la plus facile a implanter sur systèmes mobiles.
Diversité par Polarisation
Il existe trois genres de polarisation, verticale, horizontale et
circulaire. Environ 24dB d'isolation existe entre la polarisation
verticale et horizontale et de même entre circulaire gauche et droite.
Certains réflecteurs changent la polarisation du faisceaux. Ainsi, un
faisceaux circulaire gauche change pour la droite quand il est réfléchit.
Si une antenne polarisée circulaire gauche reçoit deux faisceaux d'une
même source, un réfléchit et l'autre direct, le faisceaux réfléchit
sera atténué de 24dB. Donc même si ce dernier est déphasé de 180°, il
n'aura pratiquement pas d'effet destructif sur l'autre faisceau à cause
de son atténuation.
Les faisceaux polarisés horizontalement et verticalement réagissent de
façon différente face aux phénomènes de propagation tel que l'effet de
conduit (ducting) et les inversions de température. Parfois, les deux
polarités sont utilisées avec des antennes spécialement conçues a cette
fin. La polarisation circulaire n'est pas pratique pour des mobiles en
milieu rural et urbain car il est possible qu'on n'ait pas de faisceaux
direct entre la base et le mobile, seulement des faisceaux réfléchis
(Rayleight versus Rice).
Diversité de Fréquence
Brièvement, deux fréquences véhiculent les mêmes informations afin
d'atténuer l'impact de l'affaissement sélectif en fréquence. Cette
technique est utilisée presque exclusivement sur les systèmes micro-ondes
mais pourrait servir aux systèmes mobiles si plus de spectre était disponible.
Traitement de Faisceaux Diversifiés
Commutation
La commutation entre les deux faisceaux est faite par comparaison du niveau du
signal des circuits de contrôle automatique de gain (AGC) ou l' l'indicateur de
niveau de réception (RSSI) afin de décider quel faisceau alimentera le détecteur
ou le discriminateur. Cette méthode fonctionne bien pour des porteuses a faible
densité d'information comme la voix car il permet de maintenir un niveau de signal
acceptable face aux affaissements. Le bruit de commutation est habituellement plus
bas que le bruit de fond. Cette méthode n'apporte aucune amélioration du rapport
signal/bruit.
Somation
La somation consiste a combiner ensemble les faisceaux avant de les offrir au
récepteur. Cette méthode fonctionne bien pour des porteuses à faible densité
d'information comme la voix car il permet de maintenir un niveau de signal
acceptable face aux affaissements.
Cette méthode apporte une légère détérioration du rapport signal / bruit qui
se produit toujours lorsqu'on combine un signal de moindre qualité à un autre
de meilleure qualité.
Sélection - Somation
La sélection du faisceau est basée soit sur le niveau du signal de contrôle
de gain automatique (AGC) ou par l'indicateur de niveau de réception (RSSI).
Seuls les faisceaux excédant un seuil pré-déterminé ou d'amplitude égale sont
présentes au circuit de somation avant d'être offert au récepteur. Tout comme
les méthodes de diversité précédentes, celle-ci fonctionne bien pour des
porteuses à faible densité d'information comme la voix car il permet de
maintenir un niveau de signal acceptable face aux affaissements. Un gain de
rapport signal/bruit de l'ordre de 2,5 à 3dB est réalisable avec cette méthode.
L'Ère du Numérique
La naissance de la transmission par modulation par impulsions et codage
(pulse code modulation ou PCM) à la fin des années 50 pour les bancs de
voies numériques en téléphonie et les tentatives subséquentes d'adapter
les systèmes micro-ondes déjà en place ont révélées plusieurs failles dans
les systèmes de diversité. Les liens radio qui fonctionnaient à merveille
avec les bancs de voies analogiques s'avérèrent tout à fait inutilisables
pour la transmission numérique après conversion. Les commutations des
systèmes de diversité causaient de la corruption de trame et des pertes
de synchronisation. Pour l'usager ceci se traduisait par des rafales de
bruit impulsif et des pertes de connexions.
La commutation entre faisceaux avec étalement temporel en était responsable.
La perte ou l'ajout de bits dans une trame causait une perte de synchronisation.
Le phénomène d'étalement temporel commence à causer de sérieux ennuis en
transmission numérique lorsqu'il s'approche de la durée d'un symbole de
modulation. Donc, plus le taux de modulation est élevé, plus la commutation
en diversité devient critique.
Sur les systèmes de micro-ondes, l'étalement temporel entre les faisceaux
peut être mesuré et compensé (égalisé). Ceci peut être fait soit par l'ajout
de câble coaxial sur un ou plusieurs faisceaux (ancienne méthode) ou encore,
en post détection au niveau numérique par des tampons de trame variables.
Sur les faisceaux numériques a très haut débits, l'étalement temporel peut
représenter un grand nombre de bits surtout lorsqu'on utilise un schéma de
modulation d'amplitude en quadrature à 256 ou 512 points (256 / 512 QAM).
Dans de tels cas, un étalement d'a peine quelque degrés entre deux porteuses
qui transportent de l'information à la fois dans les domaines de l'amplitude et
de la phase peut occasionner une perte de synchronisation lorsqu'on les commute.
La marge d'erreur d'égalisation de l'étalement temporel est pratiquement
inexistante.
Ceci implique donc que les systèmes traditionnels de
diversité ne peuvent satisfaire les exigences des schémas de modulation
numériques à plusieurs bits par symbole de modulation utilisés de nos jours.
Les systèmes de micro-ondes numériques contemporains utilisent des codes
de correction d'erreurs (Viterbi-Trellis, hyper codes, turbo codes, etc.)
et de détection d'erreurs (CRC-32 etc.) et en plus, ils tamponnent une ou
plusieurs trames afin de pouvoir offrir sans arrêt des trames libres de
toute erreur.
Une situation identique se présente donc pour les systèmes de données mobiles;
une commutation en diversité ne peut être effectuée de façon optimale
qu'en post-détection et implique que le processus de décision doit être
effectué par le démodulateur un symbole de modulation à la fois.
Solution Québécoise
Des chercheurs de chez nous ont mis au point un procédé de démodulation des
symboles en parallèle. Un radio à récepteur double (un seul synthétiseur)
est utilisé. Effectué en post-détection, le symbole de chaque faisceaux est
analysé par un DSP et sa qualité pondérée. Le processus de décision est
ensuite basé sur la pondération de chaque symbole afin de maximiser la
probabilité d'une bonne décision (maximum likelyhood symbol estimator ou MLSE).
Ceci assure que toute l'information que contient chaque symbole est utilisée
dans la prise de décision. Puisque toute l'information est utilisée, ceci
assure un maximum de gain et réduit au minimum le risque d'une mauvaise
décision.
Des essais pratiques ont démontrés qu'un gain de diversité de l'ordre de
10dB face aux affaissements et une amélioration du rapport signal / bruit
de 3dB avaient étés réalisés grâce à cette technologie. Un tel gain de
performance signifie que des systèmes de radio qui fonctionnaient bien a
9600 bits/sec. auparavant ou pu être convertis à 44,000 bits/sec. sans pour
autant devoir ajouter des stations de base ou de réduire la zone de couverture
des systèmes déjà en place.
De tels systèmes sont présentement sous exploitation en Amérique du Nord par
plusieurs agences de protection publique. Pour en connaître davantage sur
cette technologie québécoise, utiliser le terme Parallel Decode sur votre
engin de recherche préféré.
La rumeur voulant que les Québécois soient de méchants patenteux est très
bien fondée et je suis très fier d'avoir eu l'opportunité d'apporter ma
très humble contribution à cet effort et réussite en développement expérimental
des technologies du sans fil.
73 de Jacques, VA2JOT
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